En terminant de lire la troisième et la quatrième parties de l'Allemagne de Madame de Staël, j'ai été frappé par une page où affleure clairement l'idée d'une nouveauté physique continue de la nature. Elle évoque un auteur qui compare ensemble les ruines de la nature, celles de l'art et celles de l'humanité. Et elle ajoute :
Une chose bien digne de remarque en effet c'est l'action si différente des années sur la nature, sur les ouvrages du génie et sur les créatures vivantes. Le temps n'outrage que l'homme : quand les rochers s'écroulent, quand les montagnes s'abîment dans les vallées, la terre change seulement de face ; un aspect nouveau excite dans notre esprit de nouvelles pensées, et la force vivifiante subit une métamorphose, mais non un dépérissement ; les ruines des beaux-arts parlent à l'imagination, elle reconstruit ce que le temps a fait disparaître, et jamais peut-être un chef-d'oeuvre dans tout son éclat n'a pu donner l'idée de la grandeur autant que les ruines mêmes de ce chef-d'oeuvre. On se représente les monuments à demi détruits revêtus de toutes les beautés qu'on suppose toujours à ce qu'on regrette : mais qu'il est loin d'en être ainsi des ravages de la vieillesse !
A peine peut-on croire que la jeunesse embellissait ce visage dont la mort a déjà pris possession : quelques physionomies échappent par la splendeur de l'âme à la dégradation ; mais la figure humaine dans sa décadence prend souvent une expression vulgaire qui permet à peine la pitié ! Les animaux perdent avec les années, il est vrai, leur force et leur agilité, mais l'incarnat de la vie ne se change point pour eux en livides couleurs, leurs yeux éteints ne ressemblent pas à des lampes funéraires qui jettent de pâles clartés sur un visage flétri.
Lors même qu'à la fleur de l'âge la vie se retire du sein de l'homme, ni l'admiration que font naître les bouleversements de la nature, ni l'intérêt qu'excitent les débris des monuments, ne peuvent s'attacher au corps inanimé de la plus belle des créatures. L'amour qui chérissait cette figure enchanteresse, l'amour ne peut en supporter les restes, et rien de l'homme ne demeure après lui sur la terre qui ne fasse frémir même ses amis.
''...et la force vivifiante subit une métamorphose, mais non un dépérissement'' : il y a bien là l'idée que la nature, que le monde physique changent mais ne se dégradent pas, durent mais ne vieillissent pas, -qu'ils sont sans cesse neufs.

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